Ce qui fait que tout homme est une personne plus qu’un simple objet perçu et préhensible, n’est pas son corps mais son esprit. C’est pour cette raison qu’en Occident l’Esprit a toujours eu un statut plus élevé que celui du corps et que notre propre socialisation passe encore exclusivement par l’éducation de cet esprit. Une éducation délivrée dans une société moderne par des institutions socialement reconnues : la famille qui dispense à minima des règles de vie ou mieux une morale, et l’école qui ouvre l’esprit à des nouveaux horizons notamment en dispensant des savoirs intellectuels constitués.
Nom métaphorique d’une conscience ou d’une imagination, ou encore plus prosaïquement d’un cerveau au travail, l’esprit demeure le grand éducateur disciplinaire de notre Etre notamment par la volonté , mélange d’instinct et de conscience, qui se manifeste au travers de nos actes. Dans beaucoup de sagesses même orientales, l’homme reste et demeure un être agissant sur son environnement et ce qui le guide est bien plus que son système nerveux et ses instincts car beaucoup de ses actions ne sont pas uniquement des réactions (je réagis pour répondre à une adversité qui m’agresse ou pour répondre des besoins naturels) mais des actes « réfléchis » qui engendrent des effets sur les choses ou les êtres sur lesquelles s’exercent ces actes. C’est la prise de conscience des effets dans le temps même court de nos actions, que la volonté révèle la force même de notre Esprit allant jusqu’à établir des « Plans d’actions » ou réaliser des « Projections » (au sens de proposer des projets) ». Mais sacraliser l’esprit, comme pensée agissante ou force psychique, en le coupant de tout lien avec la réalité auquel nous rattache naturellement notre corps, c’est faire de cet esprit un ego qui peut devenir malade en raison d’une trop forte propension à l’abstraction ou encore d’une surestimation de soi.
L’Esprit en Karaté-Do, le Shin, est tout d’abord un corpus de valeurs qui s’incarne dans des rituels. Ses valeurs, héritées de sagesses et de codes ancestraux comme le Bushido sont simples : être volontaire et courageux, défendre ce qui nous semble cher, faire preuve d’intégrité et d’humilité, être soucieux d’un équilibre entre notre martialité d’essence agressive (naturelle) et notre bonté d’essence spirituelle.
Le Shin est alors pour un pratiquant l’acceptation de règles qui passe par le bon suivi de rites de passages à des états d’être différents mais où le corps est aussi un évaluateur. Le Shin demeure une force psychique qui nous transcende, le corps lui doit être le gardien qui nous préserve de la folie transcendantale : l’illumination dite « mystique » ou son mode dégradé le fanatisme, la mégalomanie ou la caricature d’une volonté de puissance.
En karaté-do, l’esprit potentialise notre corps en l’éduquant dans une gestion de l’effort, mais c’est aussi le caractère physique et même belliqueux de la discipline qui doit nous pousser à faire preuve d’humilité. C’est pourquoi par exemple en Bugeikan karaté les épreuves physiques (go taiso) et les assauts de type « Jissen » (combat full contact) sont tout aussi importants que les rituels que l’on retrouve dans les khions et le kata.
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